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Causes : Appuyer localement les groupes de femmes pour atteindre l'égalité

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Cet article a été originalement publié dans le blogue Un seul Monde du Huffington Post.

La Marche mondiale des femmes au Québec s'est conclue le 17 octobre 2015 à Trois-Rivières par un grand rassemblement où les femmes ont tenu à rappeler que tant que le patriarcat, le capitalisme et le colonialisme domineront le monde, les femmes ne seront pas libres et devront résister.

Ces enjeux interpellent le réseau de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), qui favorise le partenariat d'égal à égal entre organismes de la société civile du Nord et du Sud et soutient depuis des décennies des approches visant à atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes. Or, tout rapport Nord-Sud peut contenir des reliquats de colonialisme, soit parce que le système de financement s'immisce dans des relations pourtant basées sur le respect mutuel, soit tout simplement parce que tout geste de solidarité sous-tend le défi de ne pas imposer la solution qui semble culturellement préférable.

C'est pour ces raisons que la question du degré de participation des femmes, des communautés et des populations fait partie des réflexions des spécialistes du genre et développement. Ils ont peu à peu délaissé l'objectif de simple intégration des femmes à des projets déjà existants pour une approche Genre et développement qui remet en question les rôles attribués aux femmes et aux hommes afin d'accroître le pouvoir des femmes et transformer ainsi les relations inégalitaires.

Depuis se pose une question fondamentale : en quoi un projet de coopération internationale peut-il donner des résultats constructifs si ce ne sont pas les personnes directement concernées qui s'approprient toutes les étapes de sa réalisation? Autrement dit, comment éviter le piège de l'approche « top-bottom » et prendre le temps de consulter les communautés, de valoriser leurs initiatives et de les soutenir sans s'ingérer dans leurs démarches légitimes?

Une approche participative pour redonner aux communautés leur pouvoir d'action

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) reconnaît d'ailleurs que « les acteurs locaux sont les mieux placés pour observer les évolutions, les défis, les problèmes et les besoins qui se profilent sur le plan local, pour définir leurs propres priorités et faire des choix, et enfin pour déterminer les compétences et les capacités qui leur font défaut ». On peut appeler cette approche ascendante, partant de la base, ou encore, participative, le degré idéal de participation étant celui où « les populations acquièrent du pouvoir à s'organiser elles-mêmes pour répondre à leurs besoins, elles proposent des solutions pour résoudre leurs problèmes et sont responsables des actions de développement ».

Le Comité québécois femmes et développement (CQFD) de l'AQOCI souligne d'ailleurs que cette approche d'appropriation par les femmes permet d'obtenir des résultats beaucoup plus significatifs pour elles et diminue grandement l'effet pervers de la relation de dépendance auprès d'un bailleur de fonds.

Certains projets jouent un rôle phare dans cette approche, par exemple « Un Aguayo » en Bolivie, qui inspire depuis maintenant neuf ans plusieurs communautés boliviennes rurales. Né d'une vaste consultation organisée par Miriam Rouleau-Perez, une coopérante volontaire du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI), de toutes les actrices et tous les acteurs de la municipalité de Curahuara de Carangas, ce projet a mené à la réalisation d'approches obstétricales tenant compte des pratiques et traditions locales en impliquant en premier lieu et dans toutes les étapes du processus les femmes et les sages-femmes.

En effet, si on sait depuis longtemps que la prise en compte des cultures locales est un incontournable dans tout projet de coopération internationale, une approche participative ancre le projet dans la communauté, rendant quasi-impossible d'esquiver les pratiques et croyances locales. Par contre, « il importe d'être vigilant par rapport aux dynamiques sociales et aux relations de pouvoir préexistantes dans la communauté où a lieu l'action de solidarité internationale, afin de ne pas renforcer involontairement des inégalités et des discriminations ».

Ce qui nous amène à souligner le caractère complémentaire de l'approche intersectionnelle, reconnaissant les multiples oppressions qui s'exercent sur les femmes de façon inégale : « En fonction du milieu social, de leur âge, de leur origine ethnique, de leur niveau d'éducation, de leur appartenance religieuse, les femmes vont avoir un vécu et donc des besoins distincts à exprimer. Il est essentiel de s'assurer de la participation des femmes dans leur diversité si l'on ne veut pas perpétuer des dynamiques de pouvoir et d'inégalités sociales entre les femmes et les hommes ainsi qu'entre les femmes elles-mêmes ».

Nouveau gouvernement, nouvelle dynamique?

Les organismes de coopération internationale du Québec ont tenu à dédier la 19e édition des Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) à ces questions. Du 5 au 14 novembre 2015, la population sera invitée à participer à des activités dans douze régions du Québec, ainsi qu'à interpeller le nouveau gouvernement canadien afin de lui rappeler que l'approche participative apparaît à même sa Politique en matière d'égalité entre les sexes en vigueur depuis 1999 et révisée en 2010, politique qui devrait teinter la manière même dont le ministère du Développement international appuie les projets de coopération entre organismes du Canada et du Sud : « On ne peut renforcer le pouvoir des femmes de l'extérieur : elles seules peuvent se donner les moyens de faire leurs choix ou de parler en leur propre nom ».

L'élection d'un nouveau gouvernement permettra-t-elle de revoir les dynamiques d'octroi de financement afin de tenir compte, d'abord et avant tout, des populations directement concernées par les enjeux de pauvreté et d'inégalités?

Poser cette question, c'est aussi rappeler que sous l'ancien gouvernement, les droits reproductifs des femmes ont été laissés de côté, voire remis en question. Si l'importance du thème de la santé maternelle et des enfants fait consensus dans le milieu de la coopération internationale au Nord comme au Sud, en exclure la santé reproductive était un non-sens. Il importe de soutenir les initiatives qui y sont liées afin de transformer les rapports entre les femmes et les hommes et de permettre une réelle autonomisation des femmes. Elles pourront mieux ainsi reprendre le contrôle de leur corps et de leur vie.

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