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Voyages

  • Causes et voyages : Des forêts et des guerres

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    Lors de la conférence des Nations Unies à San Francisco en 1945, les chefs de 46 états se réunirent à la "Cathédrale" de la forêt de sequoias du Muir woods National Monument.

    Là où la cime des arbres effleure le ciel, leur tronc plus grand qu’une embrassade d’humain, la mousse verte déboulant joyeusement sur toutes les surfaces, les fougères frissonnant au rythme du bouillonnement du ruisseau.

    Ils étaient en deuil; Roosevelt les avait quittés un mois auparavant. C’est écrit sur le panneau du sentier où je me suis promenée le 24 décembre 2018.

    On pourrait ajouter : ils étaient en deuil; plus de 60 millions de personnes les avaient quittés les années précédentes.

    Roosevelt croyait que le contact avec la forêt pouvait réunir les humains, ceux-ci partageant l’amour de la nature. En tous cas, il les réunit post-mortem cette fois-là, et une photo en noir et blanc donne l’impression d’un rendez-vous de druides sous la canopée célébrant quelque rite païen pour souligner la fin de la guerre et l’espoir d’un monde de paix.

    À quel point y croyaient-ils, tous ? Le fascisme était une cause évidente à pointer du doigt, mais était-ce vraiment suffisant ? Qu’ont-ils fait de plus pour prévenir l’irréparable qui continue de se répéter sans fin ? Ont-ils eu le courage de se remettre profondément en question – de nommer l’impérialisme, le capitalisme, le colonialisme ? Comment imaginaient-ils la 2e moitié du 20e siècle se dressant devant eux ?

    J’irais bien faire des entrevues avec eux, accroupie dans l’antre d’un de ces arbres géants, tendant le micro et les écoutant parler des leçons qu’ils tiraient alors de la guerre et de leurs espoirs pour l’avenir.

    Ils avaient choisi la nature pour se réunir. 70 ans plus tard, que diraient-ils devant le saccage actuel ?

    Dans le petit village de Saucelito d’où part le traversier pour retourner à San Francisco, on peut acheter des gommes à effacer en forme de soldat américain, des jeux d’échecs de la Seconde Guerre mondiale et autres souvenirs… ludiques.

    Ces magasins me rappellent les stands de tir pour touristes à la sortie des tunnels de Cu Chi au Viêt Nam. Des touristes – dont moi, en 2004 -  visitent une forêt-jungle qui tente de reprendre ses droits malgré les cratères d’obus gros comme des maisons creusant le sol. Traversée étouffante de tunnels étroits où les soldats vietcongs se cachaient de longs mois de temps. Découverte de « trappes à GI » pleines de mannequins grandeur nature dont les corps se déchirent au contact des lames grosses comme des serpents… puis, titubant vers la sortie, les touristes sont invités à… tirer sur des cibles avec des AK47. Les gagnants reçoivent en cadeau un bandana, un briquet ou un autre colifichet de soldat. N’en jetez plus, la cour est pleine; ne reste aux visiteurs qu’à saluer le singe enchaîné près du livre d’or dans lequel un des leurs a écrit : "free the monkey!". Ouf.

    Je sui née en 1974. J’ai lu Anne Frank en 1987 et je n’ai plus jamais été la même personne depuis. Nous sommes en 2019 et je sais que j’essaierai toujours de tirer encore plus de leçons du passé, de célébrer le présent et de miser sur un futur viable, de toutes les manières possibles. Même si c’est vain. J’aurai tout tenté, à ma petite échelle; sinon, je trouve tout cela invivable. Je me promets aussi de retourner en forêt aussi souvent que possible… Je nous souhaite beaucoup de promenades en forêt.

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