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Parentitude : Ô Suprême Entité Temporelle

Ô Entité temporelle intersidérale, je t'implore, aide-moi. Ô Entité temporelle du Cosmos, ô toute puissante Entité du temps, secoure-moi !

Et vous tous, parents autant que vous êtes, joignez-vous à ma prière, probablement pris vous aussi dans votre propre vortex temporel. Ou alors - et je m'adresse ici à ceux et celles qui n'ont pas besoin de tes conseils - joignez-vous à l'Entité supérieure pour éviter que ce siphon schizophrène ne me gobe toute entière. Et merci d'avance !

Donc, Ô Entité, dis-moi comment me dépêtrer dans cette vie «de multiples prestos». Une vie durant laquelle ma to-do-list familiale (enfants, maison, école, garderie, et c'est pas fini) déborde au point où j'en viens à chercher des moyens de la faire empiéter sur mon travail, et où le travail est tellement prenant que j'en viens à me demander comment il pourrait empiéter sur mes «heures de famille» ! Je me sens dans un double presto sur le bord de sauter, où les contenus de l'un et de l'autre risquent à tout moment de créer un désastre dégoulinant, de la cuisinière jusqu'au plafond, et au-delà ! (Le problème avec cette image, c'est qu'il y a aussi quelque part un presto virtuel ingénuement nommé «moi», et un autre nommé «couple»; et j'imagine que les amitiés et la famille élargie «doivent» entrent dans un de ces quatre presto, hein, n'en jetons pas un autre, la cours est pleine ?! Lucie, bonne amie aux talents reconnus de vulgarisation scientifique adaptée à la vie de parents, aide-moi à trouve la bonne explication du quadruple presto dans le Monde des Sciences Exactes et Appliquées... )

Ô Entité, jetons un coup d'oeil à cette excitante vie de maman conciliante (si peu, si peu !). Excitante, mais pas Unique, oh non, ça, je sais bien que des millions de parents partagent cette situation, avec leur couleur personnelle, s'entend !

Re-donc.

Entre 5h30 et 6h30 du mat', bébé se réveille. Comme c'est le cas depuis le début du printemps et que nous ne voulons pas que la situation empire jusqu'au solstice d'été, nous lui disons depuis notre lit que c'est encore la nuit - jusqu'à 6h. Non mais, quand même ! Puis, 6h (ou plus si on a de la chance), je prends bb et me recouche avec lui le temps qu'il vide deux seins. C'est un peu beaucoup pour ça que j'allaite encore : pour le plaisir de rester en position horizontale quelques minutes de plus, moi qui, ne l'oubliez pas, a l'horloge à gauche !

Puis, la première tornade de la journée traverse notre vie. Déjeûner du petit, qui a systématiquement faim une demi-heure avant nous, tous repas confondus; déjeûner du grand, qui se lève de table régulièrement pour gosser avec ses jouets (le comptoir lunch adjaçant à la salle de jeux, une si bonne idée que ça ?!); stratégie temporelle pour qu'un parent après l'autre puisse prendre sa douche pendant que l'autre tente de garder le cap dans la tourmente; montage final du lunch du grand, collation dans le sac à dos pas dans le sac à lunch, tentative de la part de la maman de se faire 1) un pseudo lunch 2) un lait battu qu'elle boira en s'habillant et en se séchant les cheveux tout en lisant le journal – tout ça pour avoir quelque chose dans le ventre au moment du départ puisqu'elle n'a pu s'asseoir depuis son lever (non, quand même, le fruit frais est incontournable, ça fait toujours une minute de repos des fesses sur une chaise à un moment donné.) Manteaux, bottes de pluie (ce printemps en tous cas), poussette, sacs, on s'en va tous les quatre (ce qui signifie qu'on a réussi à passer à travers des pleurs d'un bébé qui déteste qu'on l'habille et des revendications d'un grand qui remet toutjours à plus tard chaque étape normale de l'habillement !), pour deux joyeux coins de rue. Puis papa s'en va reconduire le petit à la garderie et le grand à l'école - merci la vie, c'est presqu'au même endroit - pendant que maman s'engouffre dans le métro.

C'est direct, qu'ils disaient; dans les faits, 10 minutes de marche, 12 stations de ligne orange (dont le slogan publicitaire est «une porte bloquée/un frein actionné/ cause un ralentissement de service...) et encore 10 minutes de marche, ça finit par faire 50 minutes de voyagement. Sur Air Sardines, version sous-marine ! Je connais une maman qui s'accroche à son journal pour garder le moral...

Arrivée au boulot. Une certaine WikiMarie, comme certaines collègues se plaisent à la surnommer, se lance passionnément dans la grosse ouvrage. Que voulez-vous, elle adore sa job, WikiMarie. Bon, il y a des tâches qui lui font perdre un temps de fou et d'autres auxquelles elle aimerait ajouter son grain de sel s'il n'y avait pas toutes sortes d'obstacles sur son chemin, mais bon, ça, elle va tenter d'y trouver des solutions. De 9h à 17h environ (parfois WikiMarie travaille de soir ou la fin de semaine ou plus tôt le matin pour une conférence téléphonique avec ses vis-à-vis de dizaines de pays dans autant de continents – non quand même, n'hyperbolisons pas; en tous cas, il n'y a pas que l'Occident dans ces conférences, c'est ça que je veux dire – mais elle doit équilibrer sa feuille de temps à 35 heures semaine, merci la vie, l'enseignement est loin derrière moi, gnac gnac), c'est le temps de ramer pour arriver à bon port avec tant de courriels et de paperasses à traiter qu'elle estime qu'elle en aurait pour 12 heures par jour, pas sept. Que voulez-vous, qu'ils disaient !

Premier risque de débordement de presto, et vice versa (?!) : la tentation est grande, toute la journée, de se dire : je ferai ceci quand les enfants seront couchés, je ferai cela en fin de semaine. Ça déborde tellement, côté boulot ! Puis, on retrouve au fond de sa poche une note : appeler le pédiatre, le vétérinaire, la secrétaire de l'école, l''éducatrice de la garderie, pour tel ou tel truc; prendre rendez-vous pour tel test médical pour nous-mêmes, par-dessus le marché. Tout ça de jour, pendant les heures ouvrables. Ô Entité temporelle suprême, comment s'y prendre pour faire ces appels ? Hein ? HEIN ? !

Maman se ré-engouffre dans le métro. Elle pense au souper. Elle pense à la maison et à tout ce qu'il y aurait à faire. Elle soupire. Prend de profondes respirations. Se répète son mantra 2011 : accepter, accepter, accepter. Accepter certaines situations familiales difficiles dont il ne sera pas directement question ici. Mais accepter aussi des trucs plus simples, comme le fait que depuis des mois, très peu des repas familiaux sont cuisinés maison (comment cuisiner un repas, seul, quand on a deux enfants accaparants avec qui il est difficile de ranger l'épicerie sans présence d'un allié adulte ? Comment participer à la préparation du repas quand on arrive à 17h50, heure à laquelle bébé a tellement faim que tout le quartier est au courant ? ); on arrive à donner un gros coup de temps en temps la fin de semaine en popotant de quadruples recettes qu'on congèle à coups de quadruples portions, mais on ne fournit pas pour tous les repas, c'est le moins qu'on puisse dire. En fait, au diable les repas, notre énergie va d'abord à fournir en cuisine maison quelques collations du grand – je vous raconterai les feedbacks négatifs que Léonard reçoit sur ses collations « pas bonnes pour la santé », à l'école... une autre fois.

La maman soupire mais se rassure en pensant à tous les choix qu'ils ont fait pour passer au travers de cette vie à la vitesse grands prestos. Le fait d'avoir dit avec grande tristesse au revoir au NoctuArt, dont la cocréation nous avait rendus si fiers et dont le fait de s'y impliquer était une escale musicale hebdomadaire de créations, d'amitiés et de complicité. S'y impliquer, justement, ce n'était plus possible, pas avant d'avoir retrouvé un équilibre familial après une position de par trop bancale depuis quelques mois. Nous avons aussi modifié le calendrier de partage du chalet; nous y allons de 2 à 3 fins de semaine de suite pour nous taper « seulement » un gros ménage de dimanche après-midi au complet par séquence. Nous avons aussi engagé ma tante Carole, notre bonne fée, qui vient faire le ménage chez nous presque toutes les semaines. C'était une des conditions au fait que je retourne à 5 jours/semaine. Nous voulions aussi trouver une «petite gardienne». Ce n'est pas encore fait, pour toutes sortes de raisons (pffff). Ça viendra.

Puis la tornade souper/Double potions with Snape arrive (quoique certaines données de la Potion double ont changé, bébé et fiston ayant bien grandi depuis l'écriture de ce billet). Parfois, quand les enfants sont couchés entre 20h et 20h30, il me reste quelques minutes de tâches de base à accomplir. Parfois, j'en ai jusqu'à 22h... Dans tous les cas, au moment d'aller dormir à mon tour, je me rappelle immanquablement que j'ai soit oublié de signer l'agenda du grand OU de remplir le formulaire pour une sortie OU que je n'ai pas donné un des médocs au chat OU que la laveuse est pleine OU... !

Ô Suprême Entité temporelle, vous êtes toujours là ? Vous vous demandez pourquoi je vous implore ? Vous trouvez qu'on y arrive, dans ma famille ? Qu'on garde la tête hors de l'eau ? Qu'on est bons ?

Merciiiiii ! C'est gentil. Mais Suprême Entité, c'est vers 21h (ou 20h30, ou 22h) que les dilemmes arrivent.

À cette heure, je suis une machine poussée à pleine vapeur depuis 6h du mat. Nous sommes propres de notre personne, tout le monde a le ventre plein, des vêtements nets à portée de la main pour le lendemain matin. L'essentiel (matériel, eh ! oh ! ) y est.

Pause de 3 semaines d'écriture. Je viens d`arriver d'avance à une réunion, mini portable dans le sac. Ne perdons pas une minute !!!

Vers 21h ou plus, disais-je, des petites voix m'interpellent.

« Psst ! Eh Marie, et l'exercice ? Tu ne vas pas t'entraîner ? Et ta santé ? Et ton poids ? Et ton futur diabète, ton futur cancer, ta future crise cardiaque ? Qu'attends-tu pour galoper comme une gazelle vers la piscine déjà fermée ? Hein ? Hein ? Hein ? »

Ouan.

« Psst ! Marie, et ton look ? T'épiler les jambes, teindre tes cheveux blancs, trier ton linge d'hiver-de printemps-d'été-, le repasser, recoudre des boutons et te désoler que les coupes et l'agencement ne sont pas ce que tu souhaiterais – t'attend quoi ??? »

Ouain.

« Psst ! Et ton couple, Marie ? Vous avez couru comme des poules sans tête depuis ce matin et tenté de régler les nombreux points à l'ordre du jour – école, garderie, camp de jour, invitations – à travers la cacophonie du souper. Vous pourriez prendre le temps de vous parler tranquillement, là ! Et puis, le couple, on s'entend, dans le fond, ce qui l'attend de pied ferme, c'est la to-do-list de la maison ! Le calendrier familial ! Et le bud-get ! Allez hop, et ne faites pas le coup d'écouter collés-collés une petite émission de 40 minutes sur Tou.tv pour vous détendre. Ouvrez les fichiers Excel, et ça presse ! »

Grrr..

« Psst ! Marie, quelle amie fais-tu ? Il y a V. et N. et M. Et J. que tu veux appeler depuis si longtemps. Ok, tu n'aimes pas téléphoner, mais tu sais comment tu seras heureuse quand tu auras une amie au bout du fil. Et puis il y a ces amis qui t'ont reçue en Europe, et ces Indiens croisés en novembre, à qui tu aurais tant de plaisir à envoyer des photos, des nouvelles... Au diable la santé, le look, le chum et la maison ! L'amitié, y'a que ça ! »

Hmm ? :)

« Psst ! La maison est tranquille, le silence est revenu. C'est l'occasion de téléphoner à ta grand-maman-complice, elle entend mieux quand le silence se fait autour d'elle et de toi. Prends de ses nouvelles, à défaut de ne pas réussir à la visiter aussi régulièrement que tu voulais. Écris-lui une lettre. Fouille dans le calendrier familial et arrange-toi pour organiser une activité enfants-arrière-grand-maman. Imprime des photos, avant; achète une mangeoire à oiseaux et des graines, et n'oublie pas la perche pour suspendre le tout après son balcon, ni le beurre d'érable qui attend dans le frigo. Apporte un baume pour le coeur car tu en reviens chaque fois bouleversée. Ajoute tout ça sur une de tes to-do-list ! »

Bien sûr.

Et puis, croyez-le ou non, il y a MOUA - s'avez, cette personne avec qui je suis 24h/24 ? - qui me sussure non pas un psst !, mais un ahhh ! :

« Ahhh ce que j'aimeraisimprimer des belles photos de mes enfants et les mettre dans des cadres. Monter des albums photos d'enfants et de voyages. Réaliser mes petits projets décos, 3 ans après notre déménagement. Écrire des centaines de billets de blogues. Participer à un comité de parents et de citoyens pour un apaisement de la circulation dans le secteur. M'impliquer dans l'école te dans la Commission scolaire – j'ai plein d'idées ! Inviter plein de gangs d'amis à des pique-nique cet été. Organiser des sorties familiales (j'ai une liste d'événements dans les parcs et d'expositions et de films et de.. !). Aller me faire couper les cheveux. M'acheter des vêtements (beurk, ça sous-entend de magasiner, ça, laisse tomber). On a reçu des coupons rabais pour des massages à la naissance de Philémon... on y va ? Et le cinéma, ça me manque. Louer un film ferait du bien ! AHHHHHHH !!! »

Le plus « drôle », c'est que je répète à tous ceux qui m'entourent et s'étourdissent au point d'oublier de prendre soin d'eux-mêmes : « n'oublie pas, dans un avion, on nous dit de mettre d'abord notre propre masque à oxygène avant d'aider une autre personne à mettre le sien ! Sinon, on ne sert plus à personne ! Pour rester de bons parents, ça nous prend de l'oxygène ! »

Ben oui, tiens.

Ô Entité cosmico-temporelle, à 21h, tout en réglant une foule de petits trucs excitants du genre « payer des factures », il m'arrive souvent d'aller lire mes amies sur Internet et leur écrire. Lire quelques articles intéressants. Écouter un petit 40 minutes sur tou.tv avec mon chum. Oui, je m'en confesse. J'ai besoin de détente, de mon couple et de mes amies; j'ai besoin d'oublier mes to-do-list professionnelles et familiales après 15 heures à enfiler les tâches à toute vapeur.

Je sais. Quel luxe !

Quoi ? Que dis-tu ? Il y a d'autres scénarios possibles ?

C'est vrai.

Je pourrais prendre soin de mon couple de 21h à 22h. Téléphoner à des amies et ma grand-mère jusqu'à 23h. Régler toute la paperasse jusqu'à minuit. Prendre soin de mon look (quel look, au juste ?!) de 4h à 5h du mat. M'entraîner de 5h à 6h du mat. Ça ce serait de la performance ! Être productive de 6h à 21h, c'est nettement insuffisant.

Non mais hein.


P.S. : Je mets en ligne ce texte en plein été. Oui, il y est fait allusion d'un certain printemps lointain. Ça m'a pris DU TEMPS, l'écrire et le mettre en ligne, ce billet ! Je me demande pourquoi ?!

N.B. L'inspiration de ce texte m'est venue à la lecture de ce billet de Mamamiiia.

 

Commentaires

  • Marie, ce texte, c'est toi. (et j'ai ri à quelques reprises. Pas trop fort, par contre, pour ne pas réveiller les enfants qui dorment.)

  • Ha mon doux ! Le tourbillon de la vie... c'est tellement ça. c'est tellement vrai, c'est tellement notre réalité aussi !

    Couchée tôt, je suis "presque" arrivée à allée jogger ce matin. Mais j'ai préféré sommeiller une tite heure de plus.

    C'est vraiment chiant d'avoir à choisir ainsi ses combats. On devrait pouvoir tout faire, non ?

    Je comprends. Je t'embrasse ! xx

  • Wow! beau billet! Un témoignage du rapport au temps dans la post-modernité. Du contrat de performance et de la logique de gestion qui a envahi notre espace privé. Devoir tout faire en fonction de critères de plus en plus sévères rends le quotidien étourdissant. En espérant que l'entitée cosmico-temporelle recevra le message. Tant qu'à moi, je vais tenter de plaider auprès du cadre normatif de la performance. À deux, on devrait y arriver non?

  • Ouf... Tu m'étourdis !!

    Hugo et moi discutons souvent de certains de nos couples d'amis qui courent comme des poules pas de tête.

    Par exemple, un couple qui vivait dans notre quartier à St-Hilaire : Le gars se levait à 5 h du matin avec leur bébé, l'amenait à St-Basile chez la gardienne avant de prendre le train pour Mtl. Elle se levait un peu plus tard, partait travailler à St-Jean, revenait ramasser leur enfant à St-Basile avant de revenir à la maison. Elle voyait son enfant 1 h 30 par jour... pour la nourrir, lui donner son bain et la mettre au lit !

    Nous autres, nous sommes privilégiés de travailler à la maison... pourtant nous n'arrivons pas à accomplir toutes nos tâches familiales... Et combien de fois devons-nous travailler lorsque les enfants sont couchés... ou tout simplement de nuit !

    Notre système est quelque peu mal fait... Souvenez-vous... nous sommes la société des loisirs... Pfffff! Ceux qui ont prédit ça avaient fumé du maudit bon stock !!!

    Sur ce, je retourne à mon travail si je veux dormir ce soir !!

  • N'oublie pas, dans un avion, on nous dit de mettre d'abord notre propre masque à oxygène avant d'aider une autre personne à mettre le sien ! Sinon, on ne sert plus à personne ! Pour rester de bons parents, ça nous prend de l'oxygène !
    J'dis ça d'même... ;-)

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