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Voyages - Page 12

  • Voyages : Un mal des montagnes à couper le souffle à La Paz

    LaPaz_sommetsenneigésdeElAlto.JPGMes guides de voyage préférés, le Lonely Planet et le Routard, m’avaient bien prévenue en décrivant l’aéroport de El Alto…

     

    « Les gros avions ont besoin de 5 km de piste pour décoller et doivent atterrir à une vitesse deux fois supérieure pour compenser la faible densité atmosphérique. Les distances de freinage sont également plus importantes et les appareils sont équipés de pneus spéciaux, capables de résister aux pressions extrêmes »

     

    « Si vous vous sentez mal en attendant vos bagages, il y a une clinique juste à côté des tapis roulants.  Une bouffée de la bombonne d’oxygène, une maté de coca, et vous serez prêts à descendre vers La Paz ! »

     

    … arriver en Bolivie par El Alto, un bidonville d’un million d’habitants à 4100m d’altitude, au-dessus de la vallée de La Paz, plus haute capitale du monde, ce peut être hasardeux.  Je l’ai appris à mes risques et périls !  Oubliez mon malaise au haut du Chimborazo en Équateur à plus de 5000m, mon essoufflement au passage du col de 4200m sur le Chemin des Incas au Pérou, mon premier séjour à La Paz en 1993 après deux semaines d’acclimatation à 2500m à Cochabamba; le soroche (mal de l’altitude en quechua) m’a frappée de plein fouet, mardi dernier (02.12.2008) ! 

     

    Maintenant que je suis saine et sauve à Sucre, superbe capitale administrative de la Bolivie, ville coloniale toute blanche et tout simplement magnifique à 2800m, dans ma chambre d’hôtel qui donne sur un patio multicolore et fleuri comme je les aime, je peux bien en rire (vous rirez aussi au fil de mon récit, car certaines scènes sont, ma foi, cocasses !)  Mais ce fut 31 heures d’épreuves et de douleurs !

     

    6h45.  Arrivée, après 11.5 heures de vol plus une escale.  On change l’heure : il est 7h45.  Flûte, j’ai une réunion à 13h et je perds ainsi une heure de repos !  Ça laisse peu de temps au corps pour se faire une raison devant le manque flagrant d’oxygène !

     

    Je m’assois sur mon bagage à main en espérant que l’attente soit moins pénible.  Voilà mon sac à dos; hop sur un chariot.  Douanes, paperasse, ça y est, Mario m’attend !  Mon ange à La Paz !  Il travaille pour Oxfam-Québec en Bolivie et est un grand ami de mon cousin par alliance qui a fait un stage de 6 mois ici il y a quelques années. J’entends parler de lui depuis une éternité !  Hop dans la voiture, parcourons bien vite une partie de El Alto pour atteindre la route qui plonge vers la ville.

     

    J’oublie ma belle tasse durable, dans laquelle je bois mes délicieux expressos depuis des mois, dans la toilette à côté du distributeur de bagages.  Vais-je retourner à Trois-Rivières en acheter une autre dans un café Morgane ?!

     

    LaPaz_Che.JPGEn route, les sommets enneigés à l’horizon, nous croisons les cholas, ces femmes en vêtements traditionnels et chapeau melon qui traversent la rue, un enfant dans une manta attachée dans le dos et un autre à la main. On croirait que ce sont des grands-mères, mais en fait elles sont de jeunes mamans au teint brûlé par le soleil de l’altitude et aux traits ravagés par une vie si dure que cela dépasse l’entendement. Certaines Cholas sont maintenant députées du gouvernement de Evo Morales. Evo, Evo : son nom est gribouillé partout sur les murs (EVO Si!), ceux-ci ornés aussi de slogans pro-démocratie, de murales valorisant la maman bolivienne et de graffitis prônant la liberté d’expression. Tiens, à une intersection, une impressionnante statue du Che, assassiné en Bolivie !

     

    LaPaz_vuevallée.JPGJ’oublie de respirer.  Non, ce n’est pas le soroche, c’est l’apparition de la ville dans un tournant.  J’avais oublié, depuis 1993.  C’est indescriptible.  Une ville gigantissime dévale les pentes de la vallée et envahit celle-ci sur des kilomètres.  Les montagnes recouvertes de neige éternelles (l’Illimani fait 6402m !!!) veillent sur cette capitale dont la vue coupe littéralement le souffle. C’est peut-être la chose la plus impressionnante que j’aie vue dans ma vie !

     

    Nous descendons au cœur de la cité.  Voici mon hôtel.  Je déjeune et bois deux tasses de maté de coca : je veux mettre toutes les chances de mon côté !  Puis, douche et dodo de deux heures.  Sera-ce suffisant ?

     

    AYOYE.  Au lever vers midi, préparer mon sac de jour et le matériel pour les réunions m’apparaît digne de l’ascension de l’Everest.  Nausées.  Pas d’énergie pour aller dans un café Internet régler la question de mon billet d’avion pour Sucre, pas d’appétit pour dîner – mais en tant qu’hypoglycémique, si je ne mange pas, le mal de tête sera pire encore, si c’est possible !  J’appelle au bureau et prend un taxi. 

     

    Rendue là-bas, Mario m’accompagne au guichet automatique et au supermercado moderne où les pannetone abondent. Achat d’un dîner sur le pouce (mal de l’altitude = toujours pas faim, pff !).  Je demande à une pharmacienne si je peux prendre la miraculeuse « soroche pill » même si je suis en période d’essais bébé : non !  Pfff !

     

    Première réunion en mangeant, on me sert une autre tasse de maté de coca.  Confirmation : j’irai dans une heure à El Alto rencontrer les coordonnateurs d’un projet.  Constatation : bogue pour mon billet d’avion du lendemain.  Interrogation : si c’est trop nuageux, de toutes façons l’avion ne pourra se rendre à Sucre.  Proposition de mes collègues de La Paz : prendre un bus de nuit de 12 heures.  Ma réaction : pas question !

     

    LaPaz_Marieapaslairmalade.JPGBon, pour l’instant, remontons à El Alto. Arrivée en haut, chaque pas = un kilomètre à la course. La réunion aura lieu au 3e étage. OUILLE !  Je suis accueillie par un gars sympa qui m’offre le bras pendant que je monte les marches comme une petite vieille.  On me sert une maté de coca.  Réunion. Je fais ma présentation Power point, en espagnol et tout et tout, madame la marquise. Quel professionnalisme ! On s’entend, je n’ai pas fait de stepettes en animant, mais quand même !!!  Les partenaires nous présentent aussi leur projet, génial !  Bonne nouvelle apprise par le cellulaire d’un collègue : j’ai un billet d’avion pour demain.  FIOU !

     

    Retour au Centre-ville. J’espérais sentir la descente dans mon corps, mais la migraine est tenace.  Soupe au poulet au resto de l‘hotel (moi qui normalement aime découvrir les bonnes gargottes proposées par mes guides de voyage…); en attendant, la dame voit bien que ça ne va pas et me sert une maté de coca.  Je suis sur le bord de m’endormir, la tête dans les mains.  J’entends la dame engueuler quelqu’un à la cuisine pour qu’il la sorte, la soupe !  Le sommeil me gagne à chaque cuillerée.

     

    Mario téléphone à ma chambre : un ami à lui, Luis Victor, ira me chercher demain matin pour aller à l’aéroport.  J’arrive à rigoler avec lui. En espagnol.  La tête dans les vapes.

     

    Dodo d’une heure.  Migraine horrible. Tylénols extra-fortes. Dodo d’une heure.  Nausées.  Pastille à la menthe.  Dodo d’une heure. Vers une heure du mat, je capote.  Vaut mieux me lever, allumer la télé (je me souviens vaguement avoir écouté la scène finale et l’épilogue de When Harry met Sally ! - c’est un bon truc pour retrouver ses esprits), préparer mes bagages pour aller – ojalá (mot espagnol dérivé du Inch’ Allah arabe) - à Sucre. Dodo d’une heure.  Migraine horrible. Tylénols extra-fortes. Dodo d’une heure.  Nausées.  Pastille à la menthe.  Dodo d’une heure.  Voyez le portrait ?

     

    LaPaz_sommetsenneigésdelaroute.JPGL’espoir de descendre bientôt à 2800m me permet de prendre une douche, de déjeuner et d’attendre gentiment celui qui sera mon deuxième ange gardien à La Paz, Luis Victor.  On remonte à 4100m pour atteindre l’aéroport, mais en route, Luis Victor reçoit un appel de Mario : celui-ci aurait eu des nouvelles d’Isabelle (une coopérante d’Oxfam) à Sucre et celle-ci aurait dit que le temps nuageux ne présageait rien de bon pour le vol.  Je me mets à pleurer, je n’en peux plus ! Au comptoir d’Aerosur, on enregistre mes bagages (même ma valisette à main est mise derrière le comptoir et je me retrouve avec des trucs dans les bras, sans sac), on me dit qu’il est encore possible que l’avion s’envole : il suffit d’attendre jusqu’à 9h30. J’attends donc sagement avec Luis Victor, la tête dans les mains. Puis, le verdict tombe : le vol est remis à 15h.  Comment vais-je attendre si longtemps ???  Isabelle  me rejoint via le cell de Luis Victor (ce cher Mario lui a communiqué son numéro.) Je ne la connais pas mais j’ai l’impression d’avoir une vieille amie au bout du fil.  Je lui explique comment je me sens.  Je vais demander à voir le doc de l’aéroport, et si je ne lui donne pas de nouvelles, c’est que j’arriverai à Sucre à 15h45 !

     

    Je demande le médecin au kiosque d’informations. Celui-ci arrive avec une bombonne à oxygène sur roulettes. Il me met le masque sur le visage, appelle quelqu’un au walkie-talkie, et voilà un collègue qui pousse un fauteuil roulant devant lui ! Je me retrouve assise dans le fauteuil, pouffant de rire dans le masque, 3 hommes autour de moi (Luis Victor, le doc et son assistant !).  Je regrette que Jef ne soit pas là pour photographier la gringa et les 3 Boliviens qui fendent la foule !

     

    Le doc me couche sur une civière, insiste pour me montrer sa carte de médecin et me dit qu’il va palper mon ventre pour vérifier l’état de mon estomac et de mes intestins.  Tassez ma pochette secrète où se trouvent passeport et cartes et allez-y monsieur, au point où j’en suis !  Il veut aussi prendre ma pression pour vérifier si je suis enceinte (celle-là, je ne la comprends toujours pas ! J)  Pendant les 40 minutes de thérapie d’oxygène, 3 enfants arrivent paniqués avec leurs parents. Tous latinos, tous souffrants du soroche.  Je ne suis pas seule !

     

    LaPaz_sommetsenneigésdelaroute2.JPGBon, retraversons l’aéroport pour reprendre la voiture – même pour 2 heures, il est recommandé de redescendre au Centre-ville.  Mario a dû nous rappeler un nombre incalculable de fois pour prendre des nouvelles et nous informe qu’il a marchandé pour que je reprenne ma chambre d’hôtel pour quelques heures.  20$ pour retrouver mon lit, c’est OUI !  Avant tout, je passe au guichet automatique, je m’achète des biscuits secs et un Sprite pour contrer les nausées, on se rend à la voiture, j’ai oublié ma trousse de Tylénols et pastilles au « dépanneur », on retourne la chercher, j’échappe la bouteille de Sprite dans le stationnement, on part, j’ouvre la bouteille et celle-ci explose de mousse et mouille mon pantalon et la banquette arrière ! Et je n’ai pas pantalon de rechange, l’autre est dans mon sac à dos.  Tiens, je crois avoir aussi oublié le foulard guatémaltèque de mon papa à l’infirmerie.  Tantôt, j’irai…  Et si je retrouvais aussi ma tasse ???  Après tant de pépins, ce serait quelque chose !!!

     

    Retour au Centre-Ville.  La dame au comptoir me dit que mon esposo a téléphoné et qu’elle l’a prévenu que je serais de retour.  C’est fou ça !  Je téléphone donc à Jef et ça fait du bien au moral !  L’oxygène m’a aidée et on arrive à rire de la situation.  Il me rappelle comment il a souffert d’un mal de tête pas possible sur le lac Titicaca en 2003 et me recommande de bien profiter du 45 minutes de vol – oxygène et pression normales !!!  Il me donne des nouvelles de Léonard, du plafond de la salle de bain qui gondole déjà (dégât d’eau ?), etc. - c’est fou comme on peut se sentir proches alors qu’on est à l’autre bout du monde !

     

    Dodo.  J’arrive à peine à me lever pour avaler une enième tasse de maté de coca et une deuxième soupe.  On remonte à El Alto !  Le vol n’est pas annulé !  Je retrouve mon foulard chez le doc !  Ma tasse n’est pas aux objets perdus !  Bon !

     

    Un adieu à Luis Victor, qui me souhaite Feliz Navidad, et me voilà en attente de mon vol.  L’embarquement signifie ici marcher une centaine de mètres sur le tarmac et de grimper directement dans l’avion.  Dernières épreuves du soroche avant la délivrance !

     

    Pendant les 45 minutes de vol, je retrouve le moral, je bois un bon jus de pommes, je lis dans mon guide que l’aéroport de Sucre est désuet, voire dangereux (SUPER !), on atterrit, Isabelle m’accueille chaleureusement (quelle fille géniale !), et je tombe immédiatement en amour avec Sucre.  De beaux jours m’attendent ! J

     

    N.B. Pendant ces 31h heures, j’ai béni le ciel de parler couramment espagnol et d’être une voyageuse aguerrie.  Au moins, les réflexes étaient là, je connaissais les trucs de sécurité et les ressources disponibles. Vive l’expérience !

     

    P.S. Depuis, on me raconte toutes sortes d’anecdotes de personnes – péruviennes ou canadiennes, jeunes ou vieilles – qui ont expérimenté des soroches pénibles – vomissements, risques d’œdème pulmonaires, etc. La plupart des gens n’ont besoin que de temps pour s’acclimater, comme moi les autres fois où je suis allée à plus de 3000m.  Ma leçon : ne pas arriver directement aussi haut et/ou ne pas travailler deux heures après l’arrivée et/ou ne pas faire trois aller-retour El Alto-La Paz en 31 heures !!!!!!!!

     

    Petit jeu : combien ai-je bu de tasses de maté de coca pendant mon séjour à La Paz/El Alto ?!

    Explication des photos : à l'exception de la photo de moi, qui semble en super forme alors que je ne vaux pas 5 cennes (!) et qui suis entourée de deux collègues magnifiques d'un centre communautaire génial (je fais exception aujourd'hui et dévoile deux visages.  C'est que ces deux représentants du groupe Gregoria Apaza savent que je vais utiliser la photo pour des présentations au travail.  Je les remercie d'avance de leur compréhension), les autres ont toutes été prises depuis la voiture en mouvement.  Vous excuserez donc la mauvaise qualité de l'image.  La statue du Ché est évidente; pour les autres, prises sur la route entre La Paz et Al Alto, portez attention aux sommets enneigés en arrière-plan et à l'immense ville que l'on devine dans la vallée...